L’économie américaine et la Fed : révision à la baisse de nos prévisions
Par : Oscar Munoz, Gennadiy Goldberg, Molly Brooks, Jan Nevruzi
mai 15, 2025 - 7 minutes 30 secondes
Vue d’ensemble
- La trêve dans la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine marque une désescalade majeure. Les perspectives à court terme de l’activité économique se sont améliorées, mais le taux tarifaire effectif restera historiquement élevé. On s’attend toujours à ce que le choc inflationniste demeure important.
- Selon nous, le soutien de la politique monétaire est moins urgent à court terme. Une trajectoire plus constructive à court terme de l’activité et du marché de l’emploi devrait permettre à la Fed de rester prudente, tandis que l’économie absorbe les contrecoups de la hausse des tarifs douaniers.
- Changement d’opinion : Nous prévoyons maintenant que le Federal Open Market Committee (FOMC) procédera à deux réductions de taux de 25 points de base cette année, en octobre et en décembre, le rythme d’assouplissement devenant plus graduel l’an prochain pour atteindre le taux neutre de 3 % d’ici le quatrième trimestre de 2026.
- Taux américains : La désescalade dans les tensions commerciales, le risque moindre d’une récession et un report des réductions nous amènent à revoir à la hausse nos prévisions pour les titres du Trésor à 10 ans à 4 % d’ici la fin de l’année et à 3,5 % d’ici la fin de 2026. La courbe devrait continuer de s’accentuer, les investisseurs étant inquiets du budget, de la prime à l’échéance et de la demande.
L’art de la négociation
La trêve de 90 jours dans la guerre commerciale annoncée par les États-Unis et la Chine marque une désescalade majeure entre les deux pays. Selon l’accord temporaire, les tarifs douaniers sur les importations cette année diminueront de 115 points de pourcentage de part et d’autre pour s’établir à 30 % pour les produits chinois et à 10 % pour les produits américains.
À notre avis, cette évolution commerciale entre les États-Unis et la Chine comporte deux points à retenir pour l’économie américaine :
- La politique se détourne des tarifs au profit de la négociation. Adoptant une posture en apparence moins idéologique qu’initialement anticipée, l’administration Trump se montre à présent disposée à abaisser les tensions afin de conclure des accords commerciaux bilatéraux.
- Le choc de l’incertitude au lendemain du jour de la libération s’est beaucoup atténué. Le risque de recul majeur de la croissance a diminué, ce qui devrait se traduire par des conditions financières plus favorables à l’activité à court terme. Nous ramenons le risque de récession prévue de 50 % à 35 %.
De l’escalade à la désescalade : les tarifs américains sur les biens chinois
Malgré un repli, le taux tarifaire effectif restera historiquement élevé. Le niveau devrait se stabiliser à environ 20 % en supposant que les tarifs douaniers décrétés en vertu des articles 232 et 301 demeurent en vigueur. Aussi, le choc inflationniste restera important, mais devrait durer plus longtemps et être moins prononcé que prévu. On s’attend toujours à ce que la majeure partie des effets sur les prix à la consommation d’un mois à l’autre se fasse sentir en juin et en juillet, mais nous prévoyons maintenant une hausse de l’inflation en août. Nous estimons à présent que l’inflation mesurée par l’indice de référence culminera à 3,8 % au troisième trimestre de 2025 et que l’inflation clôturera l’année en légère baisse, à 3,7 % d’un quatrième trimestre à l’autre en 2025, et à 2,6 % d’un quatrième trimestre à l’autre en 2026.
Les perspectives de l’activité économique se sont néanmoins améliorées, le risque de contraction majeure de la croissance étant considérablement réduit. Un arrêt soudain des échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine viendrait perturber les chaînes d’approvisionnement, vider les étalages et multiplier les mises à pied, mais ne devrait pas se concrétiser. En fait, la hausse de la demande liée aux expéditions et aux réapprovisionnements contribuera à stimuler l’activité économique au cours des prochains mois. Dans l’ensemble, la croissance économique devrait demeurer inférieure à la tendance, mais nous ne prévoyons plus de contraction de l’activité économique au troisième trimestre. La croissance du PIB devrait clôturer l’année à 0,8 %, en hausse par rapport à nos prévisions précédentes de 0,2 % d’un quatrième trimestre à l’autre. Le taux de chômage devrait aussi s’établir à 4,6 % d’ici la fin de l’année, contre 4,8 % auparavant.
De généreuses réductions
Compte tenu de nos nouvelles hypothèses concernant les perspectives économiques aux États-Unis, le soutien de la politique monétaire à court terme nous semble moins urgent. Une trajectoire plus constructive à court terme de l’activité et du marché de l’emploi devrait permettre à la Fed de rester prudente, tandis que l’économie absorbe les contrecoups de la hausse des tarifs douaniers. Nous continuons de croire que le gros du choc tarifaire relancera l’inflation au cours de l’été et pèsera de plus en plus sur le marché de l’emploi vers la fin du troisième trimestre.
La Fed a clairement indiqué que dans un contexte de reprise de l’inflation à court terme, les critères d’assouplissement ont été resserrés. Les décideurs se concentrent à fond sur l’inflation, car il s’agit de l’élément du mandat de la Fed qui demeure le plus loin de sa cible. Dans ce contexte, la Fed attendra que les conditions du marché de l’emploi affichent une nette détérioration avant de détourner son attention de l’inflation. De façon générale, l’activité et le marché de l’emploi devraient afficher une grande résilience au deuxième trimestre, d’après les données, mais connaître un important ralentissement au troisième trimestre, la hausse des prix comprimant de plus en plus les revenus réels et les marges bénéficiaires.
Un assouplissement devrait être dans les cartons du comité à la réunion d’octobre. D’ici là, le gros de l’inflation attribuable aux tarifs douaniers devrait s’être répercuté sur les prix à la consommation. Le rapport sur l’IPC de septembre sera essentiel pour confirmer si c’est bel et bien le cas. Cela devrait aussi limiter les attentes liées à l’inflation à long terme.
Par conséquent, le FOMC devrait assouplir sa politique de 25 pdb au cours de ses réunions consécutives entre octobre et janvier, et chercher à rattraper son retard dans la normalisation de la politique monétaire une fois confirmé l’effet largement temporaire des tarifs. Le ralentissement de l’emploi, comme l’indique la lente progression du taux de chômage, devrait aussi jouer un rôle. Comme nous l’avons déjà mentionné, la Fed n’a pas besoin d’attendre une récession pour assouplir sa politique.
Nous nous attendons ensuite à ce que le FOMC ramène les réductions de taux à un rythme trimestriel, dès le deuxième trimestre de 2026 jusqu’à la fin du quatrième trimestre, où le taux neutre de 3 % devrait être atteint. Nous ne croyons plus qu’il est nécessaire que le FOMC abaisse les taux sous le seuil de neutralité, contrairement à ce que nous avons supposé après l’annonce des tarifs douaniers le jour de la libération.
Nous reconnaissons les risques importants associés à notre opinion, car le niveau d’incertitude demeure élevé et les décisions du gouvernement changent régulièrement.
Taux américains : lentement en baisse
Les investisseurs auront encore du mal à se positionner en raison du profil de réduction de la Fed, qui privilégie les investisseurs capables de composer avec la volatilité à court terme et d’effectuer des achats sur repli à des niveaux plus attrayants. Une certaine désescalade est apparue dans la guerre tarifaire, mais la volatilité risque de demeurer élevée pendant que les discussions commerciales se poursuivent et que les marchés se cherchent une orientation. Toutefois, le taux directeur de la Fed devrait encore diminuer en raison du ralentissement de l’économie, ce qui devrait faire baisser progressivement les taux. Compte tenu de notre nouvelle opinion à l’égard de la politique de la Fed et du risque moindre de récession (35 % contre 50 % auparavant), nos prévisions de fin d’année pour les taux des titres du Trésor à 10 ans augmentent sensiblement, passant de 3,3 % à 4 %, pour atteindre 3,5 % à la fin de 2026, contre 3 % auparavant.
Nos prévisions comportent plusieurs changements notables :
- Baisses de taux plus lentes : Compte tenu du moins grand nombre de baisses de taux anticipé, les taux devraient diminuer plus lentement, ceux à 10 ans devant s’établir à seulement 4 % à la fin de l’année. Ce recul devrait être soutenu par les attentes du marché à l’égard des réductions de taux, pendant que les données économiques fléchissent au deuxième semestre et qu’on estime maîtriser l’inflation. Les obligations à 10 ans devraient se situer dans une fourchette de 4,0 % à 4,5 % au cours des prochains mois, les marchés continuant d’anticiper deux baisses plutôt que quatre pour le moment.
- Risques d’accentuation continue : Un autre facteur que nous prenons davantage en compte est la prime à l’échéance plus élevée et l’accentuation de la courbe en raison des préoccupations soulevées par la politique budgétaire américaine et l’absence de demande des investisseurs étrangers. Bien que notre estimation révisée du taux final des fonds fédéraux, passée de 2,5 % à 3 %, indique que les marchés des taux devraient demeurer plus près du taux neutre, nous nous attendons à ce que la courbe soit beaucoup plus accentuée que ce qu’annoncent les indicateurs macroéconomiques. La désescalade dans les tensions commerciales devrait abaisser légèrement la prime à l’échéance et soutenir les titres du Trésor par rapport aux swaps et aux swaps indexés sur le taux d’intérêt à un jour, mais la prime à l’échéance devrait demeurer quelque peu élevée compte tenu du risque de reprise de la volatilité et d’augmentation des déficits. Nous estimons maintenant que le taux des obligations à 10 ans atteindra 3,5 % à mesure que la courbe s’accentuera, contre 3 % auparavant. De plus, la courbe des taux à 5 ans et à 30 ans aux États-Unis devrait atteindre 100 points de base (pdb) à la fin de l’année et culminer à 120 pdb durant le cycle.
Les investisseurs devraient rester prudents quant à la durée, mais, dans le contexte actuel, les titres du Trésor risquent de se négocier dans des fourchettes tactiques. Les achats sur repli pour les obligations à 2 à 5 ans devraient surpasser les attentes, les investisseurs préférant ne pas tenir compte de toutes les réductions de taux et en conserver un minimum de deux et un maximum de quatre en 2025 pour le moment. La fourchette de taux des titres du Trésor à 10 ans devrait donc se situer entre 4 % et 4,5 %, et faire en sorte que les taux nominaux associés aux achats sur repli demeurent très intéressants alors que les taux continueront vraisemblablement de baisser graduellement au cours de la prochaine année.
Les clients abonnés peuvent lire le rapport en entier, intitulé US Economy and the Fed: Deescalating our Forecasts, sur le portail Une seule TD.