La mise au jeu est faite pour les élections fédérales canadiennes
Invité : Frank McKenna, Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Animateur : Peter Haynes, Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Dans l’épisode 64, Frank discute de l’élection canadienne dans son ensemble, notamment des commentaires peu flatteurs du chef du Bloc québécois et de la première ministre albertaine sur le Canada en tant que pays. Frank répond à chacune des principales préoccupations des dirigeants des provinces de l’Ouest en ce qui a trait au développement des ressources naturelles et des pipelines, comme le projet de loi C69, le plafond énergétique et la taxe sur le carbone industriel. Il donne une leçon de base sur les paiements de péréquation, une source de frustration pour les provinces de l’Ouest, qui ne reçoivent généralement pas de transferts du gouvernement fédéral en raison de leur faible niveau d’imposition et de leurs réserves de ressources. L’épisode se tourne ensuite vers les relations Canada-États-Unis, où Frank aborde l’ingérence du président Trump dans l’élection canadienne et les attentes de renégociation d’un accord commercial trilatéral, qu’il suggère au Canada de poursuivre à contrecœur, mais les yeux grands ouverts et du côté nord de la frontière. Il termine en faisant le point sur la guerre en Ukraine et, bien sûr, en déplorant la situation de ses chers Blue Jays de Toronto.
Chapters: | |
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0:29 | Premier regard sur les résultats de l’élection et l’avenir d’un Pierre Poilievre non réélu |
9:34 | Les intérêts régionaux au cœur des discussions |
13:17 | Répondre aux demandes de l’Ouest canadien |
28:17 | Paiements de péréquation |
36:26 | Donald Trump et l’élection canadienne |
42:50 | Négociation de la pause de 90 jours des tarifs douaniers |
48:00 | Allers-retours sur la Russie et l’Ukraine |
Ce balado a été enregistré le 29 avril 2025.
FRANK MCKENNA : Le jour des élections, pourquoi le président des États-Unis dirait-il « votez pour la personne qui va livrer le Canada aux États-Unis »? C’est une ingérence tellement gratuite.
[MUSIQUE]
PETER HAYNES : Bienvenue à l’épisode 64 du balado Géopolitique. Je suis accompagné de l’honorable Frank McKenna. Je m’appelle Peter Haynes et je travaille à Valeurs Mobilières TD. Ce mois-ci, on va se concentrer principalement sur les élections canadiennes. Mais on va discuter d’autres sujets brûlants, comme les droits de douane et la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Frank, je sais que vous devez être fatigué en ce moment, car vous avez fait un aller-retour à Londres hier. Et vous m’avez dit, avant d’entrer en ondes, que vous vous êtes levé à 4 heures du matin pour discuter avec divers membres du Parti libéral. Je suppose que ça veut dire que vous avez eu l’occasion de connaître les résultats de l’élection. En ce moment, quel est votre point de vue général?
FRANK MCKENNA : Oui, je suppose que ce qu’on observe, c’est un revirement spectaculaire par rapport à il y a trois mois. C’est vraiment spectaculaire. Les libéraux sont passés d’un retard de 20 points à un gouvernement minoritaire très solide. Je pense qu’il y a deux semaines, ils auraient eu une majorité. Il y a eu un léger changement au cours des derniers jours.
Je pense que c’est ce qu’on a. Les élections ont été âprement disputées. Et je pense que les Canadiens ont été extraordinairement engagés. C’était peut-être l’une des élections les plus significatives de notre vie, et elle a produit un résultat. J’aurais aimé avoir un gouvernement majoritaire, libéral ou conservateur, mais ce n’est pas le cas. Et on a fini par obtenir la deuxième meilleure chose : un solide gouvernement minoritaire.
PETER HAYNES : On va avoir les résultats officiels cet après-midi, mais il y a quatre circonscriptions où les libéraux tirent de l’arrière d’un total de 750 votes. Quand on va avoir ces résultats, on va voir si on reste à 168. Que se passe-t-il ensuite? C’est très près d’une majorité. Y a-t-il des manigances en coulisse concernant des députés qui ont été élus dans d’autres circonscriptions qui n’étaient pas libérales? Vous attendez-vous à ce que le prochain gouvernement libéral ait 168 sièges?
FRANK MCKENNA : C’est ce à quoi je m’attends. Ce qui se produit, bien sûr, c’est que le gouverneur général demande au gouvernement en fonction de former un gouvernement. Dans ce cas-ci, l’invitation sera acceptée et un gouvernement sera formé.
La raison pour laquelle je dis qu’il s’agit d’une forte minorité, c’est qu’elle est presque une majorité. Mais il y a trois façons d’obtenir du soutien pour n’importe quelle mesure. L’appui peut venir des conservateurs, du NPD ou du Bloc québécois. Cela donne donc beaucoup de possibilités au gouvernement pour former des partenariats.
L’autre chose, Peter, c’est qu’il y a une grande concordance entre les plateformes électorales. Fait surprenant, les deux étaient d’accord pour dire que nous devrions avoir des réductions d’impôt. Il y a des différences dans les détails, mais ils sont tous les deux d’accord. Tous les deux conviennent de se débarrasser de la taxe sur le carbone pour les consommateurs, de modifier le taux d’inclusion des gains en capital et d’établir un corridor énergétique national.
Tous deux s’entendent pour dire que nous devons acheminer nos ressources vers les marchés. Les problèmes de sortie doivent être résolus. Les deux s’entendent sur l’élimination des barrières commerciales interprovinciales. Et tous deux s’entendent pour dire qu’on doit négocier avec les États-Unis en ce qui concerne la sécurité et le commerce. Je pense donc que le gouvernement peut avoir un programme très vigoureux dans les domaines où il y a une bonne concordance avec les autres partis politiques.
Je dirais aussi que la population canadienne s’est exprimée. Elle était vraiment engagée dans cette élection. Elle ne veut pas qu’on manipule les résultats. Elle s’attend à ce que le gouvernement fonctionne. Elle s’attend à ce que le gouvernement au pouvoir travaille avec les provinces et les régions du Canada. Les attentes sont très élevées. Et si un parti de l’opposition menace de retirer son appui ou d’user de manœuvres, je pense qu’il sera puni en conséquence. Je pense donc que ce gouvernement sera en place pendant quelques années.
PETER HAYNES : Fait intéressant, seulement deux des quatre principaux chefs de parti ont remporté leur propre circonscription. Nous savons maintenant que Jagmeet Singh, le chef du NPN, a déjà annoncé sa démission. Mais, étonnamment, Pierre Poilievre a perdu dans sa circonscription à Ottawa où tout n’était pas joué. Que se passe-t-il maintenant pour Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur?
FRANK MCKENNA : Commençons par Jagmeet Singh. Il a été pris dans une situation difficile. C’était un jeu risque-tout, et il s’est fait prendre. J’ai trouvé qu’il a fait preuve de beaucoup de classe lors de la démission. J’ai pensé que c’était la bonne chose à faire et il l’a fait avec classe.
La situation de Poilievre a été une surprise, et j’ai passé la nuit à y réfléchir. Il a gagné dans cette circonscription au moins cinq fois, peut-être plus, et je pensais qu’il y était tenu en haute estime. Je pense qu’il s’est fait prendre dans un autre genre de jeu risque-tout. Et ce n’était pas Trump en soi. C’était Elon Musk.
N’oubliez pas qu’il représente un siège dans la région de la capitale. Elon Musk a essentiellement apporté un bulldozer à Washington et a détruit cette ville, l’économie de cette ville. Il a littéralement mis des centaines de milliers de personnes à la rue. Et je pense qu’on soupçonnait que M. Poilievre serait peut-être moins draconien et moins agressif, mais qu’il introduirait une partie de ce genre de mentalité à Ottawa. Alors, c’était peut-être une rébellion du secteur public. Je ne le sais pas. Quoi qu’il en soit, il a perdu son siège.
Voici comment j’évaluerais la situation. D’une part, il peut affirmer avoir augmenté le nombre de sièges, augmenté le pourcentage du vote populaire et dynamisé toute une cohorte de la population, principalement des jeunes hommes. Il avait des rassemblements très électrisants et beaucoup de gens le soutenaient. Et je pense qu’il pourrait faire valoir qu’il devrait continuer.
En revanche, il n’a pas fait de percée au Québec. Même si le Bloc a perdu beaucoup de sièges, ils les ont tous perdus aux mains des libéraux. C’est donc très difficile de former un gouvernement fédéral si vous subissez une raclée au Québec. Il n’a pas fait de percées dans les provinces de l’Atlantique. Plusieurs de leurs sièges ont été perdus en Nouvelle-Écosse, par des membres que nous estimions très populaires. Ça n’a pas très bien fonctionné.
Il avait un problème de genre avec les femmes qui s’observait dans tous les sondages, et il semblait avoir une sorte d’antipathie, ou du moins une relation hostile, avec les gouvernements conservateurs progressistes. Je parle surtout du premier ministre Ford en Ontario et le premier ministre Houston en Nouvelle-Écosse. Ça s’est avéré néfaste, ça aussi.
Il a donc des points positifs et des points négatifs. Je pense qu’il y aura une incertitude à savoir si le parti essaiera de le forcer à quitter. Ça dépend de s’il y a quelqu’un d’autre qui veut faire le travail. Ça dépend de s’il a du soutien. Il aura besoin d’une autre circonscription pour obtenir un siège.
Toutes ces choses sont en jeu. Je lance une idée complètement nouvelle : qu’il fasse les deux. Qu’il quitte la politique, qu’il accepte un emploi dans le secteur privé, qu’il développe ses compétences, qu’il rehausse son CV pour combler ses lacunes. Il n’a aucune expérience en dehors de la politique.
Je pense que c’est un type très intelligent. Je pense qu’il s’en tirerait très bien. Il pourrait démarrer sa propre entreprise. Il pourrait être vice-président d’une entreprise. Il pourrait ensuite retourner au public et présenter son CV étoffé.
Il pourrait faire ça, puis retourner à la vie publique. C’est encore un jeune homme. Il a un avenir prometteur. Une autre option pour lui, c’est de remercier tout le monde, de dire que ce fut une expérience formidable, mais qu’il va s’éloigner pendant un certain temps, mais qu’il s’attend à retourner à la vie publique. Je pense que c’est une autre option qui mérite d’être envisagée.
PETER HAYNES : S’ils veulent le soutenir au sein du parti, vont-ils supplanter un membre actuel du caucus?
FRANK MCKENNA : Oui.
PETER HAYNES : Et, ensuite, permettre une élection partielle où Poilievre se présenterait dans une circonscription sûre, comme à Edmonton ou un endroit du genre? Est-ce que c’est ce qui va se passer?
FRANK MCKENNA : Oui, c’est déjà arrivé. M. Chrétien a fini par être candidat à Beauséjour, puis Brian Mulroney, à Nova-Centre. Il y a toujours moyen d’ouvrir des circonscriptions. J’ai déjà discuté ce matin d’une circonscription dans laquelle il pourrait se présenter, et je pense qu’il y aura beaucoup d’offres.
PETER HAYNES : Avant de parler de certains des sujets abordés partout au pays et des prochaines étapes, j’aimerais vous poser des questions sur les appuis. Un nombre important de dirigeants d’entreprise au Canada ont signé une lettre appuyant M. Poilievre. Est-ce que les appuis que vous avez entendus ou que vous n’avez peut-être pas entendus vous ont surpris?
FRANK MCKENNA : Les dirigeants d’entreprise, non. Je connais les noms sur cette liste. Ce sont surtout des membres bien connus du Parti conservateur, des gens que je respecte. Mais personne ne dirait : « Wow, c’est vraiment intéressant ». Je n’ai pas vu ça. J’ai été un peu surpris du nombre de syndicats qui ont appuyé M. Poilievre. Je pense qu’il a bien réussi à cet égard.
PETER HAYNES : Et pourquoi est-ce ainsi, selon vous?
FRANK MCKENNA : Je pense, encore une fois, que l’une des critiques que les gens émettent à son égard est qu’il est populiste, qu’il ne représente pas une orthodoxie conservatrice conventionnelle comme l’orthodoxie républicaine traditionnelle. Il est beaucoup plus populiste. Il faisait valoir aux travailleurs et aux travailleuses qu’il était la bonne personne pour eux. « Je suis votre gars. » Et il a réussi. Il a réussi à obtenir l’appui d’un grand nombre de syndicats.
C’est un peu ce que M. Trump a aussi fait avec beaucoup de succès, c’est-à-dire faire en sorte que la base républicaine traditionnelle composée notamment de républicains traditionnels, de gens qui gagnent beaucoup d’argent et de dirigeants, devienne une base républicaine de la classe ouvrière. Il a donc très bien réussi. J’ai trouvé ça très intéressant.
PETER HAYNES : Dans cette campagne, on a entendu parler de certains intérêts régionaux au Canada qui ont attiré l’attention en raison de certaines évaluations plutôt brutales au sujet du Canada en tant que nation.
Je vais commencer par quelques commentaires d’Yves Blanchet, chef du Bloc québécois, qui a dit que le Canada est un pays artificiel qui a très peu de signification. Et puis, bien sûr, Danielle Smith, première ministre de l’Alberta, a écrit une lettre au Québec pour lui suggérer de travailler ensemble pour obtenir plus d’autonomie provinciale.
Parallèlement, le Canada fait face à des menaces existentielles très bien connues venant de l’extérieur de ses frontières. Que pensez-vous de ces intérêts régionaux qui dominent les conversations en ce moment? S’agit-il simplement d’une rhétorique politique?
FRANK MCKENNA : Oui, et dans le cas de M. Blanchet, c’était peut-être une erreur de parole. Je n’ai pas du tout aimé ce qu’il a dit. Ses paroles ont été répudiées par tous les dirigeants nationaux, comme il se doit. J’ai trouvé que c’était totalement gratuit, inutile et répugnant, franchement.
Je ne vois pas de pays dans le monde qui est autant un pays que le Canada. Il se trouve qu’on ne pulvérise pas la pensée individuelle. On a deux langues, on respecte nos pays tiers et on respecte les institutions multiculturelles. C’est la nature de notre pays; ça fait partie de notre culture et de notre tissu. Et de laisser entendre que nous ne sommes pas un véritable pays, je trouve ça assez dégoûtant, en fait.
Danielle Smith en est un autre exemple; il ne fait aucun doute qu’elle est sur la corde raide en Alberta. Il est intéressant de noter qu’elle et le premier ministre du Québec sont les deux premiers ministres les moins populaires au pays. Ils ont donc besoin d’un ennemi externe. Et souvent, comme John F. Kennedy l’a déjà dit, parfois, lorsqu’il y a de la fumée, il y a quelqu’un ou quelque chose qui fait de la fumée. Et dans le cas du Québec, ils essaient toujours de s’acharner sur le Canada pour augmenter le soutien dans leur propre province.
Dans le cas de l’Alberta, il ne fait aucun doute que c’est bon politiquement pour la première ministre d’avoir des ennemis externes. Je pense que c’est un peu ce qui se passe. Je n’aime pas ça. Je pense que c’est un élément naturel de la politique, malheureusement, dans une fédération comme la nôtre.
Et franchement, je pense que le premier ministre Carney, en ce moment, doit composer avec ça, non pas en capitulant, en étant le serviteur des provinces, mais en respectant le rôle légitime des provinces et en passant du temps, comme il l’a dit dans son discours, à être premier ministre pour tout le pays, pour tout le monde, pour ceux qui ont voté pour lui et pour ceux qui n’ont pas voté pour lui.
Et je pense qu’il est le genre de personne qui fera ça et qui, par ses actions, montrera qu’il respecte qui vous êtes, d’où vous venez, vos différences individuelles, vos besoins. Et dans la mesure du possible, il va accommoder ces besoins.
PETER HAYNES : M. Blanchet a déclaré aujourd’hui qu’il voulait une trêve dans les discussions sur la souveraineté. C’est tout en son honneur. Il ne veut pas une longue trêve, mais il a dit qu’il pensait qu’il était plus important que le Canada reste uni en cette période de forces externes.
FRANK MCKENNA : Je ne sais pas pourquoi. Il pourrait toujours se faire annexer par les États-Unis et profiter de la culture monotone qu’il aurait là-bas, où l’on veut éliminer toutes les langues, sauf l’anglais. Bonne chance.
PETER HAYNES : Oui, j’ai trouvé ça un peu drôle, en fait, l’autobus au Québec qui avait une affiche disant : « Go, Habs, Go ». Et les agents de l’affichage sont arrivés et ont dit qu’il fallait changer ça. Mais le gouvernement a ensuite dit que c’était correct dans ce cas précis. Et nous encourageons Montréal.
FRANK MCKENNA : C’est au Québec. Alors, quel est le nom de l’équipe? J’en ai parlé dans un discours lors d’un débat référendaire une fois. Je m’en étais servi en campagne. Les gens m’ont regardé comme si j’étais fou. J’ai dit : « Est-ce que vous vous rendez compte que si vous vous séparez du Canada, on va devoir changer le nom de l’équipe? L’équipe ne s’appellerait plus les Canadiens de Montréal. » Et les gens ont dit qu’on ne pouvait pas faire ça.
PETER HAYNES : Je sais. C’est vrai. Pour en revenir à l’Ouest canadien, lors de l’élection, la première ministre Smith a dit qu’elle donnerait six mois à Mark Carney, un gouvernement libéral dirigé par Mark Carney, pour, entre autres, se préparer avant d’envisager la possibilité d’un vote sur la séparation.
Elle n’est pas la seule à promouvoir le thème de la séparation de l’Ouest. Je sais que cette question a été soulevée lors de nos appels précédents, et notre collègue Rona Ambrose en a certainement beaucoup parlé à l’émission de CTV hier soir. Il y a certainement une vague de discussions sur la séparation dans l’Ouest canadien.
En fait, l’ancien chef de l’opposition Preston Manning a laissé entendre dans un éditorial du magazine Globe que si Mark Carney gagnait, il deviendrait connu sous le nom du dernier premier ministre d’un Canada uni. Ce sont des mots très forts. Quels conseils avez-vous pour Mark Carney, notre nouveau premier ministre, pour répondre à ce sentiment indépendantiste?
FRANK MCKENNA : J’ai lu les commentaires dans les journaux après les commentaires de Smith et de Manning. C’était hostile; c’était extraordinaire. Habituellement, les textes du courrier des lecteurs sont plutôt équilibrés. Ce n’était pas le cas. Les gens ont complètement répudié…
PETER HAYNES : À l’échelle du pays ou à l’extérieur de l’Ouest canadien?
FRANK MCKENNA : Non, partout au pays, y compris en Alberta. Je ne pense pas que ce soit le sentiment à l’échelle du pays ni en Alberta.
Cela dit, quand les gens expriment leur frustration, on doit s’en occuper. Lorsque j’étais premier ministre, le premier ministre de la Colombie-Britannique, si je me souviens bien, Glen Clark à l’époque, avait un problème lié aux permis de pêche au saumon au large des côtes de la Colombie-Britannique. Nous avons uni nos forces en tant que groupe national de premiers ministres, nous les avons soutenus et nous avons fait appel au gouvernement fédéral pour qu’il s’occupe de ce problème.
C’est donc un pays. On doit prendre soin les uns des autres. Et si l’Ouest se sent lésé, il faut s’en occuper. Je pense que Carney doit se pencher là-dessus. Mon conseil pour lui avait été de se présenter à Edmonton. Je pensais que ça aurait été important sur le plan symbolique.
PETER HAYNES : Aurait-il gagné? Les conservateurs ont tout gagné dans cette province.
FRANK MCKENNA : Pas à Edmonton ni à Calgary.
PETER HAYNES : C’est vrai.
FRANK MCKENNA : Il y avait des circonscriptions où la lutte était serrée. Les libéraux ont fini par gagner à Calgary et à Edmonton. En tant que chef de parti, je pense qu’il aurait gagné. Mais je ne pense pas que cela ne signifie pas qu’il n’a pas besoin de régler les problèmes qui découlent de… Mais n’oubliez pas que l’Ouest canadien est grand. Il a remporté la moitié des sièges au Manitoba. Cela fait partie de l’Ouest canadien. Il a remporté la moitié des sièges en Colombie-Britannique. Cela fait partie de l’Ouest canadien.
D’ailleurs, c’est aussi une province riche en ressources. Je ne vais pas minimiser les plaintes légitimes là-bas. Comme vous le savez, je siège au conseil d’une grande société pétrolière et gazière là-bas. J’y ai passé beaucoup de temps et je comprends les préoccupations. Je pense qu’il faut s’en occuper.
PETER HAYNES : Examinons un peu plus en détail certaines des critiques formulées par les habitants de l’Ouest du Canada, après 10 années de leadership libéral et encore au moins quelques années de plus devant nous. Les Canadiens de l’Ouest estiment que les intérêts de la région ne sont pas pris en compte à Ottawa, en particulier en ce qui a trait à l’énergie et aux ressources naturelles.
La première ministre Smith a donc décrit cinq enjeux qu’elle souhaite que les libéraux règlent. Et elle prétend à ce stade que le premier ministre Carney a rejeté toutes ces demandes. Je veux approfondir la question, et je veux le faire depuis quelques mois déjà, en particulier en ce qui concerne ces demandes et le secteur de l’énergie en général. J’aimerais savoir ce que vous pensez de chacun de ces enjeux et comment Mark Carney devrait aborder chacun.
Premièrement, il s’agit encore une fois du programme à 10 composantes du Parti conservateur. On va parler de cinq enjeux principaux. Le premier est l’abrogation de la loi C-69. C’est la loi contre les nouveaux pipelines. Pourquoi est-ce qu’elle existe et pourquoi Mark Carney ne peut-il pas s’en débarrasser?
FRANK MCKENNA : La liste était donc plus longue et comprenait les pailles en plastique. C’était l’une des autres conditions pour rester au pays, et…
PETER HAYNES : Je l’ai raccourcie. Je me concentre sur l’énergie.
FRANK MCKENNA : Je ne serais pas favorable à la loi C-69, mais il faut comprendre que notre pays a des intérêts diversifiés. Il y a de nombreuses circonscriptions au pays qui sont environnementalistes et qui veulent que chaque décision prise respecte l’environnement.
Selon moi, ce qui serait plus important que l’abrogation de la loi C-69, c’est la construction de nouveaux pipelines. N’est-ce pas? Comme on dit en droit, à quel mal essayons-nous de faire face? En fait, c’est le fait que les pipelines ne peuvent pas être construits.
Alors, si on peut construire des pipelines, il me semble que ça règle le problème. En ce moment, le défi lié à la construction de pipelines, c’est surtout d’attirer l’intérêt du secteur privé et d’avoir une bonne analyse de rentabilité. Comme vous le savez, j’ai participé au projet d’oléoduc Énergie Est et j’ai trouvé que c’était une excellente idée, mais il fallait prendre beaucoup de pipelines sous-utilisés jusqu’à la frontière du Québec.
Maintenant, vous devez tout construire à neuf. Ce n’est pas bon pour l’analyse de rentabilité. Alors, pourquoi ne pas juste faire des choses? Comme Trans Mountain. Si on réglait ça? Aujourd’hui, 60 % du pétrole de cet oléoduc retourne aux États-Unis. Avant même de construire de nouveaux pipelines, il faut corriger ça.
PETER HAYNES : Comment pouvons-nous corriger ça?
FRANK MCKENNA : Je pense que c’est très facile à régler. Vous pourriez dire à l’Alberta d’imposer une petite taxe à l’exportation sur ça pour que chaque baril qui va aux États-Unis ait une taxe à l’exportation perçue par l’Alberta; mais pas les barils qui vont en Asie. Tout le monde les enverrait en Asie.
Ou ça pourrait être d’accorder un allégement de redevances si les barils sont exportés en Asie. Il y a des façons de corriger la situation. Ou vous pouvez simplement leur dire de le faire. Vous pourriez faire ça. Vous pourriez débloquer ce pipeline, ce qui ajouterait environ 250 000 à 300 000 barils par jour. C’est le projet le plus facile au Canada. Et quoi…
PETER HAYNES : Qu’est-ce qui cause les goulots d’étranglement?
FRANK MCKENNA : Eh bien, il faut la pressurisation, le doublement et toutes sortes de choses. On peut le faire. Et vous avez déjà une emprise et beaucoup d’autorisations environnementales. Le processus, me dit le président de TMX, pourrait normalement prendre jusqu’à cinq ans, mais si on accélère le processus et que tout le monde accepte de simplement le faire, ça pourrait se faire beaucoup plus rapidement. Alors, pourquoi ne pas mettre nos efforts pour y arriver?
Et troisièmement, on a 140 000 barils par jour dans ce pipeline qui sont réservés pour les terminaux pétroliers maritimes. Si on utilisait ce pipeline au maximum au lieu de l’utiliser seulement pour les terminaux pétroliers maritimes, on ajouterait 140 000 barils par jour de plus à ce pipeline. Vous obtiendriez très rapidement un autre demi-million de barils de pétrole par jour qui seraient acheminés vers ce pipeline en provenance du basin des États-Unis, vers un basin de l’Asie, ce qui améliorerait les rentrées nettes pour tous les autres barils et écraserait cet écart de prix. C’est faisable.
J’aimerais donc les voir se retrousser les manches et faire ce qui est faisable. Renverser simplement une loi, ce serait bien. Je serais d’accord. Mais c’est peut-être difficile à faire accepter. Peut-être que oui, peut-être que non. Mais…
PETER HAYNES : Est-ce que ce serait une question parlementaire en soi? Il serait question d’une seule loi. Cela ne ferait pas partie d’un projet de loi omnibus. Comment ça fonctionnerait?
FRANK MCKENNA : Eh bien, ça pourrait aussi faire partie d’un projet de loi omnibus, mais je serais plus enclin à simplement régler le problème plutôt qu’à me lancer dans une guerre législative.
PETER HAYNES : D’accord. Deuxièmement, il y a cette notion de demande et de duplication, de guichet unique, qui consiste à réduire les approbations administratives pour les projets de ressources à un an au maximum, et, espérons-le, à six mois.
FRANK MCKENNA : Je suis tout à fait d’accord. Mais le premier ministre a déjà une entente avec les provinces : un processus d’approbation par projet. On élimine donc immédiatement une partie de cet obstacle.
PETER HAYNES : Alors, pourquoi la première ministre Smith dit-elle que ça a été rejeté? Apparemment, toutes ces demandes ont été rejetées.
FRANK MCKENNA : Eh bien, je pense que le premier ministre du Canada n’a pas aimé l’idée d’aller à une rencontre avec la première ministre alors qu’elle venait de publier une liste qui disait, à moins que vous n’acceptiez ces choses, on va avoir un problème d’unité nationale.
PETER HAYNES : On va donc négocier en privé, puis en arriver à une solution…
FRANK MCKENNA : Eh bien, je pense…
PETER HAYNES : une solution commune.
FRANK MCKENNA : Je pense qu’il y a des solutions. J’aime l’idée d’un processus d’approbation accéléré, mais c’est dans les deux plateformes électorales. Et l’idée d’un processus d’approbation à guichet unique, où vous n’avez pas à en suivre deux, a déjà été mise de l’avant. Je pense qu’on devrait y arriver; je pense qu’on est sur la bonne voie.
PETER HAYNES : D’accord. Se débarrasser du plafond énergétique.
FRANK MCKENNA : En théorie, il n’y a pas de plafond énergétique. C’est…
PETER HAYNES : D’où provient cette notion?
FRANK MCKENNA : Il y a un plafond d’émission.
PETER HAYNES : D’accord.
FRANK MCKENNA : Le gouvernement dirait qu’il n’y a pas de plafond pour l’énergie. C’est un plafond d’émission. Et si vous réduisez les émissions, vous pouvez produire autant d’énergie que vous voulez. Je pense que c’est un problème de nature sémantique. On pourrait peut-être clarifier les choses. Par exemple, le gouvernement actuel est très engagé dans le projet Pathways, un projet de capture et de stockage de carbone qui retirerait une grande partie du carbone des barils produits dans le bassin sédimentaire de l’Ouest.
Et mon conseil d’administration, Canadian Natural, attend que ça se concrétise, parce qu’on a l’impression que ça nous donne l’acceptabilité sociale pour aller de l’avant et produire plus de barils. Dans une certaine mesure, c’est le gouvernement de l’Alberta qui fait que ça n’avance pas. Le gouvernement du Canada a mis en place deux programmes différents qui se chiffrent, je crois, à 20 milliards de dollars. Et c’est le gouvernement de l’Alberta qui doit déterminer s’il en veut ou non.
J’en ai discuté avec la première ministre de l’Alberta. Elle a dit qu’ils ne sont pas certains que c’est la bonne technologie. Qu’il pourrait y avoir d’autres technologies et tout le reste. À un moment donné, on doit régler les choses. Mais si on peut trouver un moyen de décarboniser l’énergie qu’on produit, théoriquement, le plafond ne serait pas un problème et on aurait l’acceptabilité sociale pour produire tous les barils qu’on peut dans l’Ouest.
PETER HAYNES : Et vous croyez que le projet Pathways va se poursuivre? Je sais qu’on craignait, si les conservateurs étaient majoritaires, qu’ils annulent le projet Pathways. Vous avez confiance qu’il va se poursuivre?
FRANK MCKENNA : Oui. Le gouvernement libéral va continuer de l’appuyer. C’est dans leur plateforme. La question est de savoir si l’Alberta préfère se battre ou gagner.
PETER HAYNES : D’accord. Alors, encore une fois, on va passer aux négociations. Un sujet très médiatisé, c’est l’élimination de la taxe sur le carbone industriel. On sait qu’ils ont éliminé la taxe sur le carbone pour les consommateurs. Comment régler ce problème?
FRANK MCKENNA : Peut-être qu’on n’a rien à régler. Je pense que l’irritant politique était la taxe sur le carbone pour les consommateurs. Même si une remise équivalant au retrait était accordée, ça n’avait aucune importance. C’est devenu un enjeu politique. Il a été réglé.
Mais, en général, la taxe sur le carbone industriel a fonctionné. De façon générale, elle est gérée par les provinces. Je pense que ça vaut la peine de négocier pour savoir si on peut en faire plus, mais ça a contribué à façonner la réponse des secteurs. Chaque secteur fait des choses, des choses vraiment progressistes, qui font du Canada un chef de file mondial en matière de réduction de son empreinte carbone, parce que cet argent retourne dans l’industrie. N’est-ce pas?
C’est donc une incitation pour le secteur à essayer de décarboniser le plus possible. Et c’est une bonne chose. Est-ce que c’est tellement gros que c’est astreignant? Eh bien, je pense qu’on pourrait en discuter. Mais on a une taxe sur le carbone industriel qui, selon moi, a été très transformationnelle pour ce qui est de retirer le carbone du secteur pétrolier.
PETER HAYNES : Quand je vais à la pompe et que je vois que c’est 0,15 $ de moins, j’oublie le chèque que je reçois chaque trimestre.
FRANK MCKENNA : Oui.
PETER HAYNES : Enfin, pour ce qui est du cinquième élément, je ne suis pas certain de bien comprendre la différence entre le programme des libéraux et celui des conservateurs en ce qui concerne les garanties de prêts pour les Autochtones.
FRANK MCKENNA : Moi non plus. Le gouvernement du Canada offre maintenant des garanties de prêts aux Autochtones. La province de l’Alberta le ferait.
PETER HAYNES : Mais n’était-ce pas dû au fait que l’Alberta voulait le contrôle et que le gouvernement du Canada voulait le contrôle? N’est-ce pas là le problème, en fin de compte?
FRANK MCKENNA : Eh bien, ça dépend. Les deux ont des programmes de garanties de prêts. Si les gens se parlent, ces choses-là sont réglables. Certains de ces enjeux sont plus difficiles que d’autres, mais ils peuvent être réglés.
PETER HAYNES : Encore une fois, vous avez indiqué que vous vous attendiez à ce que le premier ministre Carney discute et s’assure d’aborder ces questions de façon audacieuse au lieu de se croiser les bras.
FRANK MCKENNA : J’ai examiné très attentivement ce qu’il dit, parce que je suis un gars de pipelines et je veux que nos ressources sortent plus, parce qu’on a de meilleures remises, plus d’argent à dépenser dans les programmes sociaux, etc. Mais tout ce qu’il dit, c’est qu’il est déterminé à bâtir un pipeline. N’oubliez pas qu’il était président de Brookfield Asset Management, la plus grande société pipelinière au monde. Ce n’est pas comme si les pipelines lui étaient étrangers.
PETER HAYNES : Non, il comprend le processus. Et je crois comprendre que Tom Mulcair a parlé un peu hier soir du fait qu’on semble tendre une branche au Québec, le premier ministre…
FRANK MCKENNA : Oui.
PETER HAYNES : Pouvez-vous nous expliquer la dynamique entre le premier ministre et le chef du Bloc québécois en ce qui concerne la possibilité de construire des pipelines au Québec pour accéder à la côte Est?
FRANK MCKENNA : Je pense que M. Legault a indiqué que le Québec est plus réceptif, en particulier dans le cadre d’un projet sur lequel nous avons travaillé, le projet de gaz naturel liquéfié du Saguenay, qui achemine du gaz naturel vers le fleuve Saint-Laurent. Le Québec était d’accord. Ils ont offert 25 millions de dollars pour aider à la réalisation du projet. Nous n’avons pas réussi à convaincre l’Alberta d’engager 25 millions de dollars pour le projet. Mais maintenant…
PETER HAYNES : Est-ce que c’est depuis l’arrivée de Carney, juste pour que je comprenne…
FRANK MCKENNA : Oui, tout à fait. Oui. Et il ne voulait pas que le secteur privé soit subventionné par le gouvernement. Ensuite, ils ont investi plus d’un milliard de dollars dans le projet Keystone XML. Malgré tout, c’était un bon gars. Il avait ses propres raisons. Alors, ça n’a pas été fait. Ensuite, l’opinion publique s’est retournée contre le projet au Québec.
Plus récemment, la ministre Joly a prononcé un discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et a dit qu’ils étaient ouverts à cette idée. On devrait donc profiter de ces ouvertures. M. Blanchet a dit qu’il était contre les oléoducs qui passent par le Québec, mais c’est de la rhétorique politique de sa part. Il essaie de faire valoir pourquoi les gens devraient voter pour le Bloc.
Il a perdu le tiers de ses sièges hier soir, alors il est évident que les gens n’ont pas particulièrement écouté ce qu’il avait à dire. Je pense qu’en ce moment, avec Trump qui est aussi injustement oppressif qu’il l’est envers le Canada, l’esprit du pays est à l’action.
PETER HAYNES : Oui, il faut profiter de la crise, comme on aime l’appeler; ne pas laisser passer les occasions.
FRANK MCKENNA : Même si j’essayais de faire construire un oléoduc jusqu’à la côte Est, je préfère l’idée d’un corridor de services publics. Ce pourrait être du pétrole, du gaz, de la fibre optique, mais ce serait essentiellement comme l’autoroute transcanadienne. Ce serait comme le réseau ferroviaire national. Ce serait un excellent projet d’édification nationale.
PETER HAYNES : On n’a pas entendu parler de la canalisation 5 et de Gretchen Whitmer dans l’État du Michigan depuis un certain temps. Y a-t-il des nouvelles à ce sujet?
FRANK MCKENNA : En ce moment, tout semble bien aller, mais je suis heureux que vous ayez mentionné ça, parce que l’une des raisons pour lesquelles l’idée d’un pipeline national a maintenant une certaine valeur, c’est parce que le Québec s’est rendu compte que ce pipeline, qui alimente deux raffineries au Québec, à Montréal et à Québec, passe par les États-Unis.
Et des menaces ont été proférées selon lesquelles nous ne pourrions peut-être pas faire passer ce pipeline aux États-Unis. Je pense qu’ils se rendent compte que si nous n’avons pas de pipeline au Canada, nous sommes à la merci des États-Unis d’Amérique.
PETER HAYNES : Et on a souvent entendu le président utiliser ça comme levier, et on doit le croire sur parole et faire attention à ça. Les paiements de péréquation sont un autre sujet de frustration pour les Albertains et, en fait, pour l’ensemble de l’Ouest canadien. Je me souviens que vous avez déjà dit que, quand vous étiez premier ministre, un projet était de comprendre à fond les paiements de péréquation. Je pense que vous êtes peut-être l’expert-résident du Canada. Pouvez-vous faire un rappel à nos auditeurs qui ne connaissent peut-être pas bien ce sujet épineux?
Il y a 26,2 milliards de dollars qui sont allés de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan au reste du Canada en 2025. Est-il temps de revoir ces paiements de péréquation? Qu’est-ce qu’ils sont et qu’est-ce que vous en feriez?
FRANK MCKENNA : Pour commencer, il n’y a pas eu d’argent qui est allé…
PETER HAYNES : D’accord.
FRANK MCKENNA : de l’Alberta à la Saskatchewan.
PETER HAYNES : Il vient du gouvernement fédéral.
FRANK MCKENNA : Il vient du gouvernement fédéral. Théoriquement, c’est fondé sur une formule qui redistribue la richesse de certaines provinces à d’autres. Mais je vous garantis qu’aucun chèque n’est émis en Alberta ni dans les autres provinces de l’Ouest. Et ça fluctue. C’est une formule complexe qui est fondée sur vos besoins et votre capacité fiscale, de sorte que si vous avez atteint la fourchette élevée d’imposition de votre population, ça joue en votre faveur.
L’Alberta, parce qu’elle n’a pas de taxe de vente, est toujours au bas de l’échelle de l’imposition. Et c’est fondé sur les ressources et sur le fait que vous extrayez ou non vos ressources. Cette formule tient compte d’un grand nombre de facteurs. Mais ça fluctue. La Saskatchewan a reçu des paiements de péréquation pendant une grande partie de son histoire récente.
Terre-Neuve-et-Labrador est actuellement une province qui verse des paiements de péréquation, mais pendant la majeure partie de son existence, elle en a reçu. L’Ontario est actuellement une province bénéficiaire de la péréquation, mais avant…
PETER HAYNES : Des petits paiements de péréquation.
FRANK MCKENNA : Des petits paiements de péréquation. Mais avant, c’était une province payante, alors ça fluctue. C’est un effort pour essayer d’offrir un niveau de vie sensiblement comparable à l’échelle du pays.
PETER HAYNES : Mais est-ce que ça en vaut la peine? Je reconnais que les provinces qui reçoivent les paiements du gouvernement fédéral ne voudraient pas les perdre. Mais quand on pense à tous ces problèmes qui dérangent l’Ouest du Canada, est-ce simplement un mal inutile?
FRANK MCKENNA : La formule a été mise en place la dernière fois par Stephen Harper, alors il a dû sentir que ça en valait la peine. Oui, c’est le Canada. Ce n’est pas la loi du plus fort. Et je pense qu’en général, on veut que les citoyens se sentent à l’aise, peu importe où ils se trouvent au Canada. N’importe qui pourrait avoir des périodes difficiles. On pourrait voir l’effondrement d’une industrie dans une province.
PETER HAYNES : Que se passerait-il au Nouveau-Brunswick? L’effondrement de quel secteur au Nouveau-Brunswick pourrait avoir un gros impact?
FRANK MCKENNA : La foresterie. Les droits de douane pourraient paralyser tout le secteur forestier, par exemple. Et vous auriez 26 000 personnes au chômage du jour au lendemain. Cela pourrait se produire à Terre-Neuve. Toute l’industrie de la pêche s’arrêterait. Ou cela pourrait arriver dans les Prairies, en Saskatchewan, si, par exemple, tout le secteur du canola ou du blé dur est dévasté en raison d’une infestation ou des conditions commerciales mondiales. Et on aimerait croire que cette province serait en mesure de parler au gouvernement du Canada, à tous les Canadiens, et de lui demander de l’aide pendant cette période difficile.
PETER HAYNES : Et l’un des problèmes, c’est que ce n’est pas à jour. C’est fondé sur les renseignements d’il y a deux ou trois ans. Alors…
FRANK MCKENNA : Presque tous les paiements sont antidatés. La formule est appliquée et on ne sait presque jamais ce qu’on va obtenir. Et au printemps, vous pensez avoir un énorme excédent et vous vous retrouvez en déficit, etc. C’est un outil compliqué et peu pratique, mais c’est un outil canadien typique. Alors…
PETER HAYNES : Oui.
FRANK MCKENNA : Et je peux vous assurer qu’on essaie toujours de le réformer. Si j’ai une entreprise en difficulté qui influence la formule, j’essaie de changer la formule. Il y a une poursuite en cours qui sera portée devant la Cour suprême du Canada, lancée par Terre-Neuve, pour essayer de modifier la formule de péréquation.
PETER HAYNES : Dans ses commentaires d’aujourd’hui, le premier ministre Eby, de la Colombie-Britannique, a laissé entendre que la question la plus importante pour le premier ministre Carney était les obstacles au commerce interprovincial, qui sont un sujet d’actualité. Pouvez-vous informer notre auditoire? Je sais qu’Anita Anand a été très impliquée dans ce processus. Où en sommes-nous? Serons-nous en mesure de faire croître notre PIB à l’interne en raison de cet enjeu?
FRANK MCKENNA : Oui, je pense qu’on le fera, mais je pense qu’on doit aussi continuer les efforts. Le gouvernement du Canada va déposer un projet de loi pour éliminer toutes les barrières commerciales financées par le gouvernement fédéral.
PETER HAYNES : Ça correspond à quel pourcentage au niveau interprovincial?
FRANK MCKENNA : Ce pourrait être un quart, un tiers ou quelque chose comme ça. Aussi, un certain nombre de provinces ont garanti d’éliminer leurs barrières commerciales aux provinces réciproques. C’est donc un peu un gâchis en ce moment; certaines personnes éliminent les barrières commerciales avec certaines provinces, mais pas avec toutes les provinces.
PETER HAYNES : Avez-vous entendu parler de mauvais acteurs dans ce processus?
FRANK MCKENNA : Il est difficile de dire que les gens sont de mauvais acteurs. Laissez-moi vous donner quelques exemples, des exemples réels. Terre-Neuve veut protéger le poisson. D’énormes quantités de poissons sont pêchées dans la province. La transformation se fait à Terre-Neuve. C’est obligatoire. Mais si on ne transformait pas le poisson à Terre-Neuve, il y aurait des dizaines de milliers d’emplois perdus. Ils aimeraient donc accepter tout le reste, mais protéger le poisson.
Le Nouveau-Brunswick compte 10 usines de pâtes et papiers et un nombre incalculable de scieries. C’est l’une des industries forestières les plus importantes et les plus denses au Canada. Ils veulent que ce bois reste au Nouveau-Brunswick et qu’il y ait une valeur ajoutée. Et si vous n’aviez pas de restriction, le bois pourrait être transporté ailleurs, transporté au Québec et traité là-bas, et vous perdriez des dizaines de milliers d’emplois.
Tout ça pour dire que les premiers ministres font de gros efforts, mais il y a des problèmes concrets qui compliquent un peu les choses. Terre-Neuve a un autre problème. Ils ont deux brasseries. Si vous ouvrez le commerce interprovincial de l’alcool, la province pourrait très bien perdre ces deux brasseries.
Ce sont des problèmes concrets. Mais je pense qu’il faut maintenir la pression sur les premiers ministres. Ils doivent ressentir les conséquences pour agir. Je pense que l’humeur du pays est telle que nous devrions le faire. Je fais affaire avec le premier ministre Eby sur un autre sujet. On va parler cette semaine du bois d’œuvre résineux.
Je suis convaincu que si nous avons d’importantes négociations commerciales avec les États-Unis, sur le commerce et la sécurité, nous devrions nous occuper du dossier du bois d’œuvre résineux. Il ne devrait pas y avoir que les enjeux américains. On devrait parler des armes. On devrait parler de la migration vers le nord, des drogues et du bois d’œuvre résineux. Il y a 10 milliards de dollars en dépôt fiduciaire fiduciaire qui ont été perçus pour le bois d’œuvre résineux. Alors, pourquoi ne pas mettre ça aussi dans les sujets de négociation?
PETER HAYNES : Oui, ça ne peut pas être une rue à sens unique, comme dans les discours actuels. Je sais que vous avez été à Londres plus tôt cette semaine, alors je suis certain que vous avez lu l’article dans The Financial Times sur l’ingérence électorale au Canada.
L’article s’intéresse aux publications sur les médias sociaux et conclut que 80 % des publications sur X, par exemple, critiquaient Carney. Il indique qu’il y a des preuves que des robots générés par l’IA mis en place par des conservateurs bombardaient les plateformes, souvent avec de la désinformation, et que très peu de personnes de moins de 50 ans consomment des nouvelles de sources médiatiques traditionnelles.
Le problème de la désinformation incontrôlée continuera de polluer les campagnes électorales partout dans le monde. Je sais que vous travaillez dans le domaine de la cybersécurité avec l’Université du Nouveau-Brunswick. Selon vous, que peut-on faire pour réduire ce flux de désinformation?
FRANK MCKENNA : Écoutez, c’est vraiment très difficile de faire quoi que ce soit si les plateformes ne se surveillent pas elles-mêmes. Les plateformes pratiquaient de l’autosurveillance, puis Trump et sa bande de gens de droite ont dit : « Non, non, non. Ça ne fait que nuire aux vues de droite. Il faut s’en débarrasser. » Et les gens de Silicon Valley se sont pliés à ça. Et maintenant, on n’a pas ce type d’autosurveillance.
C’est donc tout à fait libre. C’est donc très difficile. Et si les gouvernements essaient de censurer le tout, ça ressemble à de la censure. Et tout le monde dit que seules les vues de droite sont censurées, pas celles de gauche, etc. Donc, dans une certaine mesure, je pense qu’on doit remettre aux plateformes la responsabilité de se surveiller elles-mêmes comme avant.
PETER HAYNES : Ce sera un défi. Pendant la majeure partie du cycle électoral au Canada, le président Trump a été silencieux, jusqu’au jour de l’élection, lorsqu’il a imploré les Canadiens de voter pour lui ou un dirigeant assez fort pour faire du Canada le 51e État.
Que se passera-t-il ensuite dans la relation Canada-États-Unis? Est-ce qu’on va revenir à la table de négociation de l’ACEUM? Ou plutôt, est-ce qu’on va ralentir le président comme le Mexique semble le faire?
FRANK MCKENNA : Le jour de l’élection, pourquoi le président des États-Unis dirait-il : « Votez pour la personne qui va livrer le Canada aux États-Unis »? C’est une ingérence tellement gratuite. Qui d’autre au monde ferait ça?
Et je le dis respectueusement, Peter, parce que ça entraîne un manque de respect. Donc, non seulement nous avons un problème commercial avec les États-Unis, mais nous avons aussi un problème de respect avec les États-Unis. Les gens ne sont pas fâchés contre les États-Unis simplement parce qu’ils nous imposent des droits de douane. C’est à cause du langage extrême et extraordinairement vil. Et nous ne sommes pas les seuls.
J’étais en Espagne la semaine dernière. J’étais en Angleterre hier. Tous les gens à qui on parle, dès qu’ils se rendent compte qu’on est Canadien, disent : « Qu’est-ce qui se passe? » Pas avec nous, avec le monde. Tous les Européens se sentent méprisés. Je pense qu’on est vraiment dans une situation où on doit régler le problème des droits de douane; c’est important. Mais il y a aussi le problème de confiance.
Parce que même si on peut signer une entente, comment la mettra-t-on en application? Il a déjà déchiré l’ALENA et l’ACEUM. Qu’est-ce qui dit qu’il ne va pas dire qu’il vient de négocier le plus grand accord au monde, et un mois plus tard, déchirer l’accord et appliquer des droits de douane préférentiels, ou des droits de douane sur des articles spécialisés? « Je n’aime pas le fait que vous sortiez gagnants dans le domaine de la fabrication de bidules. Il y aura donc une taxe sur les bidules. »
Les négociations vont donc être difficiles. Mais je pense que le pays a consciemment pris la décision que le premier ministre actuel est formé expressément pour ce type de gestion de crise. On va voir si c’est le cas, mais je pense qu’on doit essayer d’obtenir la sécurité, d’obtenir des échanges commerciaux et d’essayer de résoudre tous ces problèmes pour éviter toutes les coupures, pour que ça ne continue pas.
Parce qu’une partie du problème, Peter, est le manque de stabilité. Ce n’est pas juste nous. Les États-Unis et d’autres pays, partout dans le monde. Ça se voit dans les entreprises, dans les fusions et acquisitions, dans le fait que les gens reculent et décident de se retirer de décisions de placement.
On doit donc laisser libre cours encore une fois aux fluctuations de la bourse; il faut une confiance et une prévisibilité dans les relations. Je pense donc que notre premier ministre doit s’en occuper immédiatement, prendre le fer pendant qu’il est chaud, et nous mettre sur la liste d’attente pour ces négociations. J’espère que nous finirons par avoir une forme d’ACEUM en fin de compte, avec ou sans le Mexique, selon le cas.
Aussi, je crois qu’on va finir par gagner. Je crois aussi qu’on négocie en position de force. M. Trump et son gouvernement, malgré tous leurs propos belliqueux, font systématiquement des changements de cap dans presque tous leurs dossiers de droits de douane. Chaque fois qu’un souci est rencontré, quelqu’un se retourne et recule. Maintenant, ils le font pour les voitures, aujourd’hui ou demain. Ils l’ont fait pour les iPhone.
PETER HAYNES : Les iPhone en Chine. Oui.
FRANK MCKENNA : Oui. Lorsqu’il y a un souci, ils reculent. Contrairement à ce que dit M. Trump, nous avons une position de négociation très solide, probablement la relation commerciale la plus importante au monde, l’un des déficits commerciaux les plus faibles et le plus important fournisseur de matières premières au monde, du pétrole au gaz, en passant par la potasse, l’uranium et l’acier, à l’aluminium et au nickel. 31 % de leur marché touristique – des Canadiens.
PETER HAYNES : C’est moins que ça cette année.
FRANK MCKENNA : Tout à fait. Mais pourquoi ne pas rétablir tout ça en rétablissant la relation? Je pense qu’on a un pouvoir de négociation. Je pense aussi qu’il y a beaucoup de bonne volonté chez les Américains. Tout le monde à qui j’ai parlé – je pense que votre expérience est semblable – s’excuse beaucoup. Et…
PETER HAYNES : Ils n’ont pas beaucoup de connaissances.
FRANK MCKENNA : C’est vrai. Mais ils s’excusent, et ils n’ont vraiment aucune malice envers les Canadiens. Et je pense qu’on doit revenir à cette relation. Alors…
PETER HAYNES : Frank, comme vous le savez, j’ai écrit un éditorial qui parle de la nécessité de se concentrer sur nos marchés des capitaux, des préoccupations liées à l’absence de PAPE et des choses que nous pouvons faire pour améliorer nos marchés des capitaux. Dans leur plateforme, les conservateurs ont proposé de ne pas imposer les gains en capitaux pour les réinvestissements au Canada. J’adore ces idées, mais…
FRANK MCKENNA : J’espère que Carney examinera ces idées.
PETER HAYNES : Oui, pourquoi ne pas les voler de l’autre plateforme? Je suis tout à fait d’accord. Et j’espère, évidemment, que ça arrivera. Mais plus j’y pense ces derniers temps, je crois que le président Trump rend un grand service à tous les autres pays du monde.
Je pense que cette notion de flux de capitaux vers les États-Unis s’arrête complètement en raison de menaces comme la radiation de titres chinois, quelle qu’en soit la cause, que ce soit en lien ou non avec les droits de douane. Je pense simplement qu’il a créé une certaine incertitude dans leur marché, et les entreprises y penseront à deux fois avant de se concentrer ou non dans le marché des capitaux américain, du moins pendant cette période d’incertitude dont vous parlez.
FRANK MCKENNA : On a vu, il y a à peine une ou deux semaines, une attaque contre les vigiles obligataires et une attaque contre les titres du Trésor. Le dollar américain, contrairement à toutes les croyances traditionnelles, a fini par s’effondrer, sans se renforcer. Et je pense que tout le monde s’est réveillé ce matin-là en disant…
PETER HAYNES : Oui.
FRANK MCKENNA : Et les gens ont commencé à reculer. Et le reste du monde se rend compte maintenant qu’il a une force économique réelle. La Chine, le Japon et même le Canada détiennent 350 milliards de dollars en titres du Trésor. L’Union européenne. Nous sommes tous d’importants consommateurs de titres du Trésor américain. On a de l’influence.
Et maintenant, l’Europe porte toute son attention sur l’Europe. Elle prévoit dépenser près de 1 000 milliards de dollars sur la défense en Europe. Elle cherche à stimuler son économie. Et le Canada fait la même chose. En fin de compte, les États-Unis vont regretter le jour où ils ont décidé de s’attaquer au monde, à mon avis.
PETER HAYNES : Ce sera très intéressant.
FRANK MCKENNA : Et si on est intelligents et engagés, et je pense qu’on l’est, on va voir ces jours-ci comme la période où on s’est réveillés et où on est devenus un pays des ligues majeures.
PETER HAYNES : On va se concentrer un peu sur le mandat « L’Amérique d’abord » du président Trump. Le Canada a été l’un des premiers pays à ressentir les contrecoups de cette politique, en particulier en ce qui a trait à l’utilisation de l’IEEPA pour les droits de douane, en raison de la logique erronée fondée sur la crise liée à l’immigration vers le sud et au fentanyl.
Le reste du monde sait ce que nous ressentons, car il y a des droits de douane de base, des droits de douane réciproques et des droits de douane de taxe sur la valeur ajoutée imposés sur tous les autres pays du monde. Selon vous, comment les négociations bilatérales sur les droits de douane aboutiront-elles pour les États-Unis et la centaine de pays qui sont actuellement en négociation et qui feront face à de nouveaux droits de douane une fois que la dernière période de négociation de 90 jours se terminera au début de juillet?
FRANK MCKENNA : Beaucoup de pays ne sont pas aussi bien placés que nous. À mon avis, on a un véritable levier de négociation. Et je ne serais pas surpris qu’on finisse par avoir une forme d’ALENA, quelque chose comme ça.
Je pense que le problème, Peter, c’est qu’il faut essayer de comprendre ce qui motive vraiment les États-Unis. Tout d’abord, les États-Unis ne sont pas le véritable tiers dans cette situation. C’est Trump. S’agit-il de revenus? Dans ce cas, ils appliquent des droits de douane et tirent des revenus, ce qui revient essentiellement à imposer une taxe aux Américains. Ou est-ce qu’ils veulent que les usines ferment, littéralement, et déménagent aux États-Unis, auquel cas ils ne peuvent pas obtenir les revenus parce que les usines ont déménagé aux États-Unis?
Certains de ces éléments sont donc discordants. Dans une certaine mesure, je pense que c’est une question de revenus. Je pense que, dans une certaine mesure, c’est une affaire d’extorsion. Si vous voulez ouvrir un restaurant dans ce quartier, vous allez devoir payer le grand patron. C’est 10 %, le taux en vigueur. Et je pense que vous constaterez qu’il y aura une réorganisation dans tous les pays du monde, et que les résultats seront différents. Il y aura beaucoup de règlements sur mesure.
Dans certains cas, les gens vont simplement payer les droits de douane pour envoyer des marchandises aux États-Unis. Dans d’autres cas, ils élimineront leurs propres barrières non tarifaires ou droits de douane. Ou, dans certains cas, ils concluront d’importants accords d’approvisionnement pour régler la supposée balance commerciale.
Certains pays iront plus vite que d’autres. L’Inde, le Japon, des pays comme ça. Et il y aura beaucoup d’ententes différentes. Et M. Trump dira qu’il sort gagnant dans chacune d’elles et célébrera sa victoire et tout ça. Pas de problème. Mais en fin de compte, je pense que ce sera une véritable passe de revenus. Il faudra payer. Je pense que 10 % sera probablement la base, d’une certaine façon.
PETER HAYNES : C’était intéressant de lire que l’une des divisions d’Amazon allait afficher le montant des droits de douane qu’elle facturait, et Bezos a reçu très rapidement un appel du président. Et ils ont changé d’idée très rapidement. Va-t-il appeler tous les pays ou toutes les entreprises aux États-Unis pour se plaindre s’ils haussent leurs prix?
FRANK MCKENNA : Ils ne vont pas pouvoir le faire. Et tout le monde augmente ses prix, surtout les petits magasins de rabais. Ils ne peuvent pas absorber les droits de douane. Ils augmentent donc leurs prix. Et l’appréhension de l’inflation est aussi grave que l’inflation, comme vous le savez.
PETER HAYNES : Les attentes, exactement.
FRANK MCKENNA : Oui. Il y a tout ça qui se passe. Et je pense que les États-Unis sont en train de récolter la tempête. Et je pense que les gens intelligents autour de Trump essaient de le faire prendre un pas de recul à cet égard.
À un moment donné, s’il veut améliorer sa réputation… Il a la cote d’approbation la plus faible de tous les présidents de l’histoire au cours des 100 premiers jours. Et à un moment donné, s’il veut sauver sa réputation, il va devoir stabiliser la plateforme. En ce moment, des gens comme Ken Griffin le dénoncent et disent que les dommages à la marque peuvent être irréparables.
Et il faut dire quelque chose d’autre. Certains de ces emplois manufacturiers ne seront jamais créés aux États-Unis. Si vous pensez un instant qu’on va fabriquer des chaussures Nike aux États-Unis d’Amérique… Qui va le faire et combien va-t-on les payer? Je pense que certains membres du cercle de Trump commencent maintenant à être plus réalistes par rapport à ce qui est faisable.
PETER HAYNES : J’ai vu une publicité sur les médias sociaux où on cherchait des gens pour cueillir des petits fruits ou quelque chose du genre pour 11 $ l’heure. Ils ont dit : « D’accord, on y va ». Qui va faire ça? La réalité, c’est que les gens aux États-Unis ou au Canada ne sortiraient pas du lit pour gagner 11 $ l’heure en cueillant des petits fruits ou en faisant des récoltes.
FRANK MCKENNA : Peter, je pense qu’on va voir le retour du balancier, la démondialisation et tout le reste. Mais, en fin de compte, comme c’est logique sur le plan industriel, on va revenir à la théorie économique ricardienne des avantages comparatifs. Faites ce que vous faites. Si on peut produire de l’aluminium au Canada à 20 % ou 30 % moins cher parce qu’on a de l’hydroélectricité, qu’on le fasse. Et si les États-Unis peuvent produire quelque chose, des services…
PETER HAYNES : L’IA.
FRANK MCKENNA : L’IA ou un service qu’on achète… Parce qu’on achète… Ça, c’est l’autre chose. Tout le monde s’est rendu compte que les États-Unis avaient un excédent de 250 à 300 milliards de dollars par année dans les services. Ils commencent donc à dire de mettre ça aussi à l’ordre du jour.
Beaucoup de gens dans le monde se réveillent et se disent qu’il y a deux côtés à cette médaille. Je vais taxer vos services ou y imposer des droits de douane si vous imposez des droits de douane sur mes produits.
PETER HAYNES : Et c’est intéressant d’entendre les gens se plaindre constamment, aux États-Unis, de la taxe sur les services numériques que d’autres pays, l’Europe et le Canada et d’autres… C’est vraiment une égalisation du processus. C’est bien ça?
FRANK MCKENNA : Oui.
PETER HAYNES : Alors, on va parler de la guerre avant d’arriver aux Blue Jays, car le temps presse. Le président Trump reconnaît maintenant que sa promesse de mettre fin à la guerre en Ukraine en un jour était peut-être un peu trop optimiste. Il a fait des allers-retours entre les dirigeants des deux pays. Plus récemment, il a rencontré le président Zelensky lors des funérailles du pape, et a immédiatement reproché au président Poutine, de la Russie, de ne pas vouloir mettre fin à la guerre.
En fin de semaine, le secrétaire d’État, Marco Rubio, a déclaré que la semaine prochaine ou à peu près était « très importante » pour les États-Unis pour déterminer s’ils voulaient continuer à participer aux discussions de paix. Frank, est-ce qu’on approche de la fin de la guerre ou de la fin d’une phase de la guerre?
FRANK MCKENNA : Oui, probablement plus la fin d’une phase de la guerre. Écoutez, je suis dur envers le président Trump, mais j’admire le fait qu’il essaie de régler les problèmes. C’est vrai. Et si on pouvait régler la guerre en Iran et au Moyen-Orient, ce serait une bonne chose pour l’humanité. S’il a un prix Nobel de la paix à l’avenir, bravo à lui. Bravo pour ses efforts.
Tout ce que je dirais, c’est qu’il n’est pas juste d’être aussi partial dans le cas de l’Ukraine. L’Ukraine n’a pas déclenché la guerre. La Russie était le pays envahisseur. Et je pense que la seule façon d’exercer une véritable pression sur la Russie pour conclure un accord, c’est de lui faire payer le prix si elle continue la guerre. Et cela n’arrivera que si nous continuons d’armer les Ukrainiens et de mettre des pressions économiques sur la Russie.
Et chaque fois que Trump se retire, la Russie finit par avoir un avantage, un énorme avantage. Les Européens le savent. Pendant un certain temps, les Américains n’ont même pas donné de renseignements de communications aux Ukrainiens. Et c’était un massacre.
Je pense qu’il obtiendra peut-être un résultat s’il se rend compte que Poutine n’est pas un bon acteur et qu’il doit maintenir la pression sur Poutine pour obtenir une entente. Les Ukrainiens font face à beaucoup de pression. Seigneur… Ils perdent des dizaines de milliers de leurs meilleurs jeunes hommes et femmes, et leur économie est…
PETER HAYNES : Une tragédie dont les gens ne parlent pas assez.
FRANK MCKENNA : Et les Russes perdent plus de 1 000 hommes par jour. C’est un abattoir. C’est tout à son honneur que le président Trump le souligne. J’espère donc qu’il ne continuera pas à appuyer d'un seul côté de la balance plutôt que des deux.
De même, au Moyen-Orient, j’aimerais qu’il règle ce conflit, mais je ne suis pas certain que ça fonctionne, à moins qu’il exerce des pressions sur Netanyahu, qui a tout intérêt à ce que cette guerre se poursuive indéfiniment.
PETER HAYNES : C’est un point de discussion pour nous depuis plus de trois ans dans ce balado. C’est fatigant.
FRANK MCKENNA : Difficile à croire.
PETER HAYNES : Oui, c’est fatigant et incroyablement triste. Et on ne peut qu’espérer que d’une façon ou d’une autre, on mettra fin à la guerre le plus tôt possible. Frank, les auditeurs réguliers de notre balado savent que nous finissons toujours par… Ce n’est pas toujours un élément positif… Nous parlons des Blue Jays. Ce n’était pas une bonne semaine pour les Blue Jays. On ne marque pas de points. On ne fait pas de coups de circuit. Comment expliquez-vous cette mauvaise période?
FRANK MCKENNA : Je ne peux pas l’expliquer. Je m’arrache les cheveux. Vladdy a réussi quelques coups. Santander est une grosse déception.
PETER HAYNES : Il commence toujours lentement. Il faut le reconnaître.
FRANK MCKENNA : Oui, mais c’est pire que…
PETER HAYNES : On en est à 20 % de la saison. Tout à fait.
FRANK MCKENNA : Oui. Il a frappé un coup de circuit l’autre soir, mais il ne frappe pas quand ses coéquipiers sont sur les buts. Aucun des joueurs ne frappe quand il y a des joueurs sur les buts. De temps à autre, ils font de belles choses. Ils arrivent à faire avancer un coureur. Ils font un point ou quelqu’un frappe la balle hors du terrain.
Mais ils ne produisent pas beaucoup de points dans l’ensemble. Et les gens qui peuvent faire des coups de circuit ne font pas de coups de circuits, de doubles ou de triples. J’espère que ça va s’améliorer. Mais en ce moment, ça met trop de pression sur les lanceurs.
PETER HAYNES : Ils jouent très bien.
FRANK MCKENNA : Oui.
PETER HAYNES : On ne peut pas se plaindre des lanceurs. Ils tiennent bon…
FRANK MCKENNA : Et Hoffman est étincelant.
PETER HAYNES : C’est vrai.
FRANK MCKENNA : Et il y a de belles choses ici et là… Mais, mon Dieu, il faut marquer des points dans ce sport.
PETER HAYNES : Et dans le match de ce soir, on affronte le gars qui va gagner le trophée Cy Young cette année, Garrett Crochet à Boston. On dirait qu’ils se plaignent tous les jours qu’on fait face à un grand lanceur. La réalité, c’est qu’il faut finir par frapper.
FRANK MCKENNA : C’est vrai. Mais Peter, on n’est pas bons contre les bons lanceurs.
PETER HAYNES : Non. C’est inquiétant pour les séries éliminatoires, si jamais on s’y rend.
FRANK MCKENNA : Bien sûr. Oui.
PETER HAYNES : Eh bien, Frank, c’est un sujet qui continuera d’être à l’ordre du jour chaque mois. Merci à nos quelques centaines d’auditeurs de nous avoir écoutés en direct. Ensuite, pour les autres, le balado sortira d’ici un ou deux jours. Merci beaucoup de votre attention. Et Frank, merci de votre temps.
FRANK MCKENNA : Merci.
PETER HAYNES : Merci d’avoir écouté Géopolitique. Ce balado de Valeurs Mobilières TD est à titre informatif seulement. Les opinions décrites dans le balado d’aujourd’hui sont celles des individus y participant et peuvent ou non représenter le point de vue de la TD ou de ses filiales, et ces opinions ne doivent pas être interprétées comme des conseils de placement, fiscaux ou autres.
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Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
Frank McKenna
Président suppléant, Valeurs Mobilières TD
À titre de président suppléant, Frank a pour mandat de soutenir l’expansion soutenue de Valeurs Mobilières TD à l’échelle mondiale. Il est membre de la direction du Groupe Banque TD depuis 2006 et a été premier ministre du Nouveau-Brunswick et ambassadeur du Canada aux États-Unis.

Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter Haynes
Directeur général et chef, Recherche, Structure des marchés et indices, Valeurs Mobilières TD
Peter s’est joint à Valeurs Mobilières TD en juin 1995 et dirige actuellement notre équipe Recherche, Structure des marchés et indices. Il gère également certaines relations clés avec les clients institutionnels dans la salle des marchés et anime deux séries de balados, l’une sur la structure des marchés et l’autre sur la géopolitique. Il a commencé sa carrière à la Bourse de Toronto au sein du service de marketing des indices et des produits dérivés avant de rejoindre Le Crédit Lyonnais (LCL) à Montréal. Membre des comités consultatifs sur les indices américains, canadiens et mondiaux de S&P, Peter a siégé pendant quatre ans au comité consultatif sur la structure du marché de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.